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Encourager les Plans de Mobilité Employeur (PDME) et les Accords mobilité dans le cadre des NAO


Les plans de déplacement d’entreprise (PDE), communément appelés plan de mobilité (PDM) ou désormais plan de mobilité employeur, existent depuis plus de 20 ans en France. Il s’agit d’un outil qui doit permettre aux employeurs publics et privés d’optimiser les déplacements domicile-travail et professionnels de leurs collaborateurs, en mettant en avant les mobilités durables. La Loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 (LOM) est venue renforcer le dispositif en plaçant ce sujet des trajets domicile-travail au cœur du dialogue social.

Dans un contexte de crise climatique où les alternatives à la voiture individuelle doivent être mises en avant, nous allons voir pourquoi cet outil est finalement assez méconnu et peu utilisé par les employeurs.

Réglementation

Avant la LOM

Avant l’entrée en vigueur de la LOM, les entreprises étaient d’abord encouragées à réaliser leur PDM (loi SRU du 13 décembre 2000). Puis avec la loi du 17 août 2015 (TEPCV), celles de plus de 100 employés devaient obligatoirement réaliser un Plan de Mobilité (PDM). Ce PDM devait être transmis à l'autorité organisatrice de la mobilité territorialement compétente. Les entreprises situées sur un même site pouvaient établir un PDM interentreprises. L'entreprise qui respectait cette disposition pouvait bénéficier, sous certaines conditions, du soutien technique et financier de l'ADEME.

Depuis la LOM

La LOM impose aux entreprises de 50 salariés au moins sur un même site, d’inclure un volet mobilité dans les Négociations Annuelles Obligatoires avec les représentants syndicaux. Dans le cas où ces négociations n'aboutissent pas, l’entreprise doit élaborer un Plan de Mobilité Employeur (PDME). En intégrant la thématique des trajets domicile - travail dans la négociation avec les partenaires sociaux, le gouvernement en revalorise l’enjeu social, plus que celui environnemental et organisationnel (réduction de la pollution atmosphérique et désaturation des transports) qui avait été plus mis en avant jusqu’à présent dans la réalisation de plans de mobilité. Pour les entreprises, cela impose une approche plus transversale avec des enjeux de rationalisation des déplacements, de diminution des nuisances (pollution, bruit), mais aussi de bien-être et de pouvoir d’achat des salariés.

📕Le cadre réglementaire : L’article 96 de la loi SRU du 13 décembre 2000 modifie l’article 28-1 de la LOTI du 30 décembre 1982 comme suit: “6° L'encouragement pour les entreprises et les collectivités publiques à établir un plan de mobilité et à favoriser le transport de leur personnel, notamment par l'utilisation des transports en commun et du covoiturage ;” Ordonnance n°2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports introduit l’ article L1214-2 9° qui dispose que les PDU vise à assurer : “ L'amélioration du transport des personnels des entreprises et des collectivités publiques en incitant ces dernières à prévoir un plan de mobilité et à encourager l'utilisation par leur personnel des transports en commun et le recours au covoiturage” L’article 51 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit notamment que : “Dans le périmètre d'un plan de déplacements urbains, toute entreprise regroupant au moins cent travailleurs sur un même site élabore un plan de mobilité pour améliorer la mobilité de son personnel et encourager l'utilisation des transports en commun et le recours au covoiturage. L'entreprise qui ne respecte pas cette obligation ne peut bénéficier du soutien technique et financier de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.” L’article 82 de la LOM impose depuis le 1er janvier 2020, aux entreprises de plus de 50 salariés travaillant sur un même site d'insérer dans les Négociations salariales Annuelles Obligatoires (NAO) avec les partenaires sociaux un volet mobilités. A défaut, l’élaboration d’un Plan de Mobilité Employeur (PDMe) s’impose. La LOM modifie l’article L2242-17 du code du travail. L’article prévoit que la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle (..) porte sur: “(...) les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail, notamment en réduisant le coût de la mobilité, en incitant à l'usage des modes de transport vertueux ainsi que par la prise en charge des frais mentionnés aux articles L. 3261-3 et L. 3261-3-1.”


Un outil peu utilisé

Avant la LOM, si les plans de mobilité employeurs étaient obligatoires pour toutes les entreprises de plus de 100 salariés, ils n'étaient pas forcément mis en place. En effet, une étude réalisée en décembre 2018 par l’ADEME en partenariat avec Ekodev, conclut que seulement 8% des assujetties étaient en conformité avec la réglementation et avaient transmis leur plan de mobilité à leur AOM. Le rapport d’évaluation du PDUIF pour la région Ile-de-France sur la période 2020-2021 conclut que 716 entreprises franciliennes auraient déposé un plan de mobilité employeur auprès d’Ile-de-France Mobilités. Sur une base d’entreprises assujetties d’environ 5.400, cela représente 13,25% des assujetties. Ainsi, l’obligation réglementaire d’établir des plans de mobilité employeur en vigueur jusqu’à la LOM n’a pas été respectée. La LOM marque la fin de l'obligation de réaliser son PDME. Elle remplace cela par l'obligation d'inclure un volet mobilité dans les NAO. Le PDME doit être réalisé uniquement en cas de désaccord. Il est difficile de trouver des études réalisées depuis la LOM qui recensent les entreprises ayant déposé leur PDME auprès de leur AOM ou les accords mobilité dans le cadre des NAO. 🔍D’après nos recherches, seulement 11,4% des entreprises assujetties ont réalisé un accord mobilité durable en 2022.

Pourtant, négocier un accord mobilité n’a que des avantages pour une entreprise. En effet, prendre le sujet de la mobilité des collaborateurs à son compte constitue un puissant levier pour les équipes RH ou RSE. En analysant la mobilité dans sa dimension sociale, le PDME permet de révéler l'impact des trajets sur le pouvoir d'achat des salariés et d'identifier des situations de précarité énergétique. La durée et pénibilité des trajets peut également expliquer une part de la fatigue des salariés, laquelle engendre absentéisme et turnover. Enfin, le fait de proposer des alternatives de mobilité aux salariés permet d'améliorer l'accessibilité de l'entreprise (surtout dans un contexte de ZFE) et sa marque employeur.

Comment expliquer les faible taux de PDME et d’accords d’entreprise sur la mobilité durable

Plusieurs éléments peuvent expliquer la faible réalisation de PDME et d’accords mobilité durable.

👉 Manque d’information et d’accompagnement sur ce sujet Les entreprises ont souvent une connaissance insuffisante de la réglementation, des enjeux de la mobilité et de bienfaits du management de la mobilité sur leur performance opérationnelle. En cause, un manque de communication et de collaboration avec les AOM. Dans certains cas, les entreprises ne connaissent même pas l’AOM territorialement compétente, ni son rôle.

De plus, les entreprises ayant mis en place un PDME manquent de coopération entre elles et ressentent ce manque. En effet, selon une enquête réalisée par Ekodev en 2021, 80% des entreprises interrogées se sont montrées intéressées par la perspective de mettre en place un réseau professionnel axé sur les questions de mobilité, et 50% d’entre elles se disent prêtes à partager leur expérience.

👉 Manque de clarté sur le processus de réalisation du PDME et les accords dans le cadre des NAO Le cadre législatif a fixé un cadre général mais l'absence de précisions sur les modalités d'élaboration, de conduite et de mise en œuvre a créé des incertitudes. En effet, la méthode pour réaliser des PDME peut notamment poser des difficultés. Historiquement les plans de mobilité étaient réalisés “manuellement” par le biais d'enquêtes collaborateurs très chronophages et imprécises, en cause le faible de taux de réponses ne permettant pas d’avoir une vision complète de la mobilité des collaborateurs. Concernant les NAO, l'article L2242-17 du code du travail ne définit pas de manière précise le contenu du volet mobilité.

De plus, bien que le suivi du dispositif soit obligatoire (article L1214-8-2 du code des transports), il n'y a pas de clarté sur la façon dont il sera effectué, ni par qui, ni à quelle fréquence, ni quelles seront les missions exactes de ceux qui en seront chargés.

👉 Plan de mobilité employeur et volet mobilité dans les NAO ne sont pas liés La LOM a remplacé l’obligation de réaliser un PDME par l'insertion d'un volet mobilité dans les NAO. Or, la réalisation d’un PDME est un préalable obligatoire. Comment se mettre d’accord sur des mesures en faveur de la mobilité durable si le diagnostic n’a pas été réalisé en amont ?

Par ailleurs, déclarer son PDME auprès de son AOM est utile. Cela leur permet de récolter des informations précieuses sur la mobilité domicile-travail des habitants de son territoire et d’adapter le cas échéant sa politique de mobilité aux flux domicile-travail.

👉 Manque de communication sur les avantages Jusqu’à présent, les avantages liés à la réalisation d’un PDME et les impacts sur la qualité de vie des collaborateurs n’ont pas suffisamment été mis en avant. En effet, un PDME constitue un véritable outil de management opérationnel qui va bien au-delà de la mobilité durable. Encourager le report modal vers une mobilité bas carbone a un impact fort sur le pouvoir d’achat et la qualité de vie. Pour rappel, le coût moyen d’une voiture est de 6000€ par an.


​💡Mesures concrètes à mettre en place :

  • Obligation de réaliser un PDME comme préalable à la négociation d’accord mobilité dans le cadre des NAO. Ce qui ne se mesure pas ne peut pas s’améliorer. Ainsi, en obligeant les entreprises à réaliser un diagnostic mobilité, la loi les mettrait dans les bonnes conditions pour prendre des décisions rationnelles et objectives sur la mobilité durable de leurs collaborateurs

  • Créer une aide de la BPI “Diag Mobilité” à la manière des “Diag eco-flux” ou “Diag Décarbonaction” déjà existantes.

  • Création d'un répertoire national des mobilités où seraient recensés tous les PDME ainsi que tous les accords mobilité durable d’entreprises.

  • Renforcer le rôle des AOM dans la mise en œuvre des PDME. Dans chaque ressort territorial, les entreprises auront accès à une série de services et avantages pour les aider à mettre en place leur PDME. Cela comprendrait une plateforme collaborative dédiée sur laquelle elles devront obligatoirement déposer leur PDME, des échanges de bonnes pratiques entre les entreprises, des conseils et un soutien technique de l’AOM, ainsi qu'une boîte à outils présentant les actions possibles pour chaque mode de transport (cf. guide GART). Les AOM devront mettre à disposition des guides méthodologiques ainsi que des outils de suivi et d'évaluation (exemples de bonne pratique proposées par Tisséo Collectivités, ou encore par l'Eurométropole de Strasbourg avec Optimix).

  • Un cadre strict et des sanctions : Pour faire face à l'urgence climatique, la réglementation est un levier important (cf. Pacte vert pour l’Europe). A titre d’exemple, le non-respect de l’obligation d’établir ou de transmettre le Bilan Carbone (article L.229-25 du code de l’environnement) peut entraîner une amende d’un montant de 10 000 €, qui peut être portée à 20 000 € en cas de récidive (source : CITEPA). On pourrait s’inspirer de cette réglementation comme de la proposition de la Convention citoyenne pour le Climat (CCC) concernant le Bilan GES afin de :

  1. Rendre annuel le suivi et le renouvellement du PDME

  2. Mettre en place une amende progressive, basée sur le chiffre d’affaires.


  • Obligation pour les employeurs de déclarer un “Référent Mobilité” auprès de l’AOM à l’image des Data Protection Officer qu’il faut déclarer à la CNIL. L’italie à rendu obligatoire la nomination d’un mobility manager en 2021.


Conclusion

La mise en place d’un plan de mobilité employeur entraîne des bienfaits pour les employeurs et les salariés. Il est également bénéfique pour les politiques mobilité sur un territoire. En effet, l’obligation de déposer son PDME auprès de son AOM doit permettre à l’AOM de collecter des données sur les flux domicile-travail des habitants de son territoire et ainsi l’aider à mieux appréhender sa politique transport et mobilité, de mieux dimensionner ses infrastructures, d’identifier les manques dans le cadre de l’élaboration de ses documents d’urbanisme.

C’est la raison pour laquelle, les collectivités locales au premier rang desquelles figurent les AOM ont tout intérêt à ce que les entreprises implantées au sein de leur ressort territorial réalisent leur PDME.


 

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